Napoleon's
Correspondence
May 22 through 24, 1809 (15243 -
15248) Second day and aftermath of Aspern-Essling
15243. - AU MARÉCHAL DAVOUT, DUC
D'AUERSTAEDT
COMMANDANT LE 3e CORPS DE L'ARMÉE
D'ALLEMAGNE, A VIENNE.
Rive gauche du Danube, à la tête
de pont, 22 mai 1809, midi et demi.
L'interruption du pont nous a empêchés de nous
approvisionner; à dix heures nous n'avions plus de munitions. L'ennemi
s'en est aperçu et a remarché sur nous. Deux cents bouches
à feu , auxquelles depuis dix heures nous ne pouvions répondre,
nous ont fait beaucoup de mal.
Dans cette situation de choses, raccommoder les ponts, nous
envoyer des munitions et des vivres, faire surveiller Vienne, est
extrêmement important. Écrivez au prince de Ponte-Corvo pour qu'il
ne s'engage pas dans la Bohême , et au général Lauriston
pour qu'il soit prèt à se rapprocher de nous. Voyez M . Daru pour
qu'il nous envoie des effets d'ambulance et des vivres de toute espèce.
Aussitôt que le pont sera prèt , ou dans la
nuit, venez vous aboucher avec l'Empereur.
Le prince de Neuchâtel, major
général.
D'après la minute. Archives de l'Empire.
15244. - AU MARÉCHAL,
MASSÉNA, DUC DE RIVOLI,
COMMANDANT LE 4e CORPS DE L'ARMÉE
D'ALLEMAGNE, DANS L'ILE LOBAU.
Ebersdorf, 23 mai 1800, après
minuit.
L'Empereur arrive an premier pont sur le petit bras. Le pont
de chevalets est rompu . On donne des ordres pour le réparer ; mais il
est nécessaire que vous y envoyiez des sapeurs pour faire deux ponts de
chevalets au lieu d'un. Mais ce qui sera plus long, c'est le premier pont sur
le grand bras, qui est à moitié défait et qui ne peut
être reconstruit au plus tôt que vers la fin de la journée
de demain. Il est donc nécessaire que vous teniez fortement la
tête du premier pont, que vous passerez demain matin, c'est-à-dire
de placer de l'artillerie et de retirer les pontons pour faire croire à
l'ennemi, d'après votre disposition, que nous nous réservons les
moyens de rejeter le pont pour passer; ce qui tiendra l'ennemi en respect. Mais
le fait est qu'il faudra, -aussitôt que les pontons seront
retirés, les faire charger sur les haquets, avec les cordages, ancres,
poutrelles, madriers, etc., pour les envoyer de suite an pont du grand bras,
pour lequel il manque quatorze ou quinze bateaux. Vous enverrez les compagnies
de pontonniers qui sont avec vous , pour aider à faire le pont. Vous
sentez combien tout ceci demande d'activité, etc.
L'Empereur passe de l'autre côté pour activer
tous les moyens, et surtout pour vous faire passer des vivres. L'important est
donc de vous tenir fortement et avec beaucoup de canons dans la première
île, et d'envoyer vos pontons pour le pont rompu.
Le prince de Neuchâtel, major
général
Extrait des Mémoires sur la guerre de 1809
(Général Pelet).
15245 - AU COMTE DARU,
INTENDANT GÉNÉRAL DE
L'ARMÉE D'ALLEMAGNE A VIENNE.
Ebersdorf, 23 mai 1809, une heure du matin.
Il est de la plus grande importance, Monsieur l'Intendant
général, qu'aussitôt la réception de cette lettre
vous nous fassiez charger sur des bateaux 100,000 rations (le pain ou de
biscuit, si vous pouvez les fournir, et autant de rations d'eau-de-vie ; que
vous leur fassiez descendre le Danube pour se rendre à la grande
île, où est notre pont de bateaux , c'est-à-dire au
deuxième bras à gauche. Une grande partie de l'armée se
trouvera cette nuit dans cette île et y aura besoin de vivres. Envoyez un
employé qui descendra avec les bateaux , et , arrivé à la
tête du pont, il fera prévenir le duc de Rivoli, qui se trouvera
dans la grande île vis-à-vis Ebersdorf, afin qu'il ordonne la
distribution de ces vivres , dont il a le plus grand besoin.
Dans la situation des choses, rien n'est plus pressant que
l'arrivée de ces vivres.
Le prince de Neuchâtel, major
général
D'après l'original comm. par M. le comte Daru.
15246. - DIXIÈME BULLETIN DE
L'ARMÉE
Ebersdorf, 23 mai 1809
Vis-à-vis Ebersdorf, le Danube est divisé, en
trois bras séparés par deux îles. Se la rive droite
à la première île , il y a deux cent quarante toises; cette
île a à peu près mille toises de tour. De cette île
à la grande île, où est le principal courant , le canal est
de cent vingt toises. La grande île, appelée ln-der-Lobau, a sept
mille toises de tour, et le canal qui la sépare du continent a soixante
et dix toises. Les premiers villages que l'on rencontre ensuite sont Aspern,
Essling et Enzersdorf. Le passage d'une rivière comme le Danube, devant
un ennemi connaissant parfaitement les localités et ayant les habitant
pour lui, est une des plus grandes opérations de, guerre qu'il soit
possible de concevoir.
Le pont de la rive droite à la première
île et celui de la première île à celle
d'ln-der-Lobau ont été faits dans la journée du 19, et
dès le 18 , la division Molitor avait été jetée par
des bateaux à rames dans la grande île.
Le 20, l'Empereur passa dans cette île et fit
établir un pont sur le dernier bras , entre Aspern et Essling. Ce bras
nayant que soixante et dix toises, le pont n'exigea que quinze pontons et fut
jeté en trois heures par le colonel d'artillerie Aubry.
Le colonel Sainte-Croix, aide de camp du maréchal due
de Rivoli, passa le premier dans un bateau sur la rive gauche.
La division de cavalerie légère du
général Lasalle et les divisions Molitor et Boudet
passèrent dans la nuit.
Le 21, l'Empereur accompagné du prince de
Neuchâtel et des maréchaux ducs de Rivoli et Montebello, reconnut
la position de la rive gauche et établit soit champ de bataille, la
droite an village d'Essling et la gauche à celui d'Aspern, qui furent
sur-le-champ occupés.
Le 21, à quatre heures après midi,
l'armée ennemie se montra et parut avoir le dessein de culbuter notre
avant-garde et de la jeter dans le fleuve : vain projet! Le maréchal due
de Rivoli fut le premier attaqué, à Aspern, par le corps du
général Bellegarde. Il manuvra avec les divisions Molitor
et Legrand, et, pendant toute la soirée, fit tourner à la
confusion de l'ennemi toutes les attaques qui furent entreprises. Le duc de
Montebello défendit le village d'Essling, et le maréchal due
d'Istrie, avec la cavalerie légère et la division de cuirassiers
Espagne, couvrit la plaine et protégea Enzersdorf. L'affaire fut vive ;
l'ennemi déploya deux cents pièces de canon et à peu
près 90,000 hommes, composés des débris de tous les corps
de l'armée autrichienne.
La division de cuirassiers Espagne fit plusieurs belles
charges enfonça deux carrés et s'empara de quatorze pièces
de canon. Un boulet tua le général Espagne combattant
glorieusement à la tête des troupes , officier brave,
distingué et recommandable sous., tous les points de vue. Le
général de brigade Fouler fut tué dans une chargé.
Le général Nansouty, avec la seule brigade
commandée par le général Saint-Germain, arriva sur le
champ de bataille vers la fin du jour. Cette brigade se distingua par plusieurs
belles chargés. A huit heures du soir le combat cessa, et nous
restâmes entièrement maîtres du champ de bataille.
Pendant la nuit, le corps du général Oudinot,
la division Saint-Hilaire, deux brigades de cavalerie légère et
le train d'artillerie passèrent les trois ponts.
Le 22, à quatre heures du matin , le due de Rivoli
fut le premier engagé. L'ennemi fit successivement plusieurs attaques
pour reprendre le village. Enfin, ennuyé de rester sur la
défensive, le duc de Rivoli attaqua à son tour et culbuta
l'ennemi. Le général de division Legrand s'est fait remarquer par
ce sang-froid et cette intrépidité qui le distinguent.
Le général de division Boudet, placé au
village d'Essling, était chargé de défendre ce poste
important.
Voyant que l'ennemi occupait un grand espace de la droite
à la gauche, on conçut le projet de le percer par le centre. Le
due de Montebello se nuit à la tête de l'attaque , ayant le
général Oudinot à la gauche , la division Saint-Hilaire au
centre et la division Boudet à la droite. Le centre de l'armée
ennemie ne soutint pas les regards de nos troupes. Dans un moment tout fut
culbuté. Le duc d'Istrie fit faire plusieurs belles charges qui toutes
eurent du succès. Trois colonnes d'infanterie ennemie furent
chargées par les cuirassiers et sabrées. C'en était fait
de l'armée autrichienne, lorsqu'à sept heures du matin un aide de
camp vint annoncer à l'Empereur que, la crue subite du Danube ayant mis
à flot un grand nombre de gros arbres et de radeaux coupés et
jetés sur les rives dans les événements qui ont eu lieu
lors de la prise de Vienne, les ponts qui communiquaient de la rive droite
à la petite île et de celle-ci à l'île d'In-der-Lobau
venaient d'être rompus. Cette crue périodique, qui n'a
ordinairement lieu qu'à la mi-juin par la fonte des neiges, a
été accélérée par la chaleur
prématurée qui se fait sentir depuis quelques jours. Tous les
parcs de réserve qui défilaient se trouvèrent retenus sur
la rive droite par la rupture des ponts, ainsi qu'une partie de notre grosse
cavalerie et le corps entier du maréchal due d'Auerstaedt. Ce terrible
contre-temps décida l'Empereur à arrêter le mouvement en
avant. Il ordonna au duc de Montebello de garder le champ de bataille qui avait
été reconnu et de prendre position , la gauche appuyée
à un rideau qui couvrait le due de Rivoli et la droite à Essling.
Les cartouches à canon et d'infanterie que portait notre parc de
réserve ne pouvaient plus passer.
L'ennemi était dans la plus épouvantable
déroute, lorsqu'il apprit que nos ponts étaient rompus. Le
ralentissement de notre feu et le mouvement concentré que faisait notre
armée ne lui laissaient aucun doute sur cet événement
imprévu. Tous ses canons et ses équipages d'artillerie qui
étaient en retraite se représentèrent sur la ligne, et,
depuis neuf heures du matin jusqu'à sept heures du soir, il fit des
efforts inouïs , secondés par le feu de deux cents pièces de
canon , pour culbuter l'armée française. Ses efforts
tournèrent à sa honte; il attaqua trois fois les villages
d'Essling et d'Aspern, et trois fois il les remplit de ses morts. Les fusiliers
de la Garde, commandés par le général Mouton , se
couvrirent de gloire et culbutèrent la réserve , composée
de tous les grenadiers de l'armée autrichienne, les seules troupes
fraîches qui restassent à l'ennemi. Le général Gros
fit passer au fil de l'épée 700 Hongrois, qui s'étaient
déjà logés dans le cimetière du village d'Essling.
Les tirailleurs , sous les ordres dut général. Curial, firent
leurs premières armes dans cette journée et montrèrent de
la vigueur. Le général Dorsenne, colonel commandant la -vieille
Garde, la plaça en troisième ligne, formant un mur d'airain seul
capable d'arrêter tous les efforts de l'armée autrichienne.
L'ennemi tira quarante mille coups de canon , tandis que, privés de nos
parcs de réserve, nous étions dans la nécessité de
ménager nos munitions pour quelques circonstances imprévues.
Le soir, l'ennemi reprit les anciennes positions qu'il avait
quittées pour l'attaque, et nous restâmes maîtres du champ
de bataille. Sa perte est immense. Les militaires dont le coup d'oeil est le
plus exercé ont évalué à plus de 12,000 les morts
qu'il a laissés sur le champ de bataille. Selon le rapport des
prisonniers, il a eu -93 généraux et 60 officiers
supérieurs tués ou blessés. Le
feld-maréchal-lieutenant Weber, 1,500 hommes et quatre drapeaux sont
restés en notre pouvoir.
La perte de notre côté a été
considérable : Dons avons eu 1, 100 tués et 3,000 blessés.
Le due de Montebello a eu la cuisse emportée par un boulet, le 22, sur
les six heures du soir. L'amputation a été faite, et sa vie est
hors de danger. Au premier moment on le crut mort; transporté sur un
brancard auprès de l'Empereur, ses adieux furent touchants. Au milieu
des sollicitudes de cette journée, l'Empereur se livra à la '
tendre amitié qu'il porte depuis tant d'années à ce brave
compagnon d'armes. Quelques larmes coulèrent de ses yeux, et, se
tournant vers ceux qui l'environnaient : "Il fallait, dit-il, que dans cette
journée mon coeur fût frappé par un coup aussi sensible,
pour que je pusse m'abandonner à d'autres soins qu'à ceux de mon
armée." Le due de Montebello avait perdu connaissance; la
présence de l'Empereur le fit revenir; il se jeta à son cou en
lui disant : « Dans une heure vous aurez perdu celui qui meurt avec la
gloire et la conviction d'avoir été et d'être votre
meilleur ami. »
Le général de division Saint-Hilaire a
été blessé ; c'est un des généraux les plus
distingués de la France.
Le général Durosnel, aide de camp de
l'Empereur, a été enlevé par un boulet, en portant un
ordre.
Le soldat a montré un sang-froid et une
intrépidité qui n'appartiennent qu'à des Français.
Les eaux du Danube croissant toujours, les ponts n'ont pu
être rétablis pendant la nuit. L'Empereur a fait repasser, le 9-3
, à l'armée le petit bras de la rive gauche, et a fait prendre
position dans l'île d'In-der-Lobau , en gardant les têtes de pont.
On travaille à rétablir les ponts. On
n'entreprendra rien qu'ils ne soient à l'abri des accidents des eaux et
même de tout ce que l'on pourrait tenter contre eux.
L'élévation du fleuve et la rapidité du courant obligent
à des travaux considérables et à de grandes
précautions.
Lorsque , le 23 au matin , on fit connaitre à
l'armée que l'Empereur avait ordonné qu'elle repassât dans
la grande île, l'étonnement de ces braves fut extreme. Vainqueurs
dans les deux journées, ils croyaient que le reste de l'armée
allait les rejoindre; et , quand on leur dit que les grandes eaux, ayant rompu
les ponts et augmentant sans cesse , rendaient le renouvellement des munitions
et des vivres impossible, et que tout mouvement en avant serait insensé,
on eut de la peine à les persuader.
C'est un malheur très-grand et tout à fait
imprévu que des ponts formés des plus grands bateaux du Danube,
amarrés par de doubles ancres et par des cinquenelles, aient
été enlevés; mais c'est un grand bonheur que l'Empereur ne
l'ait pas appris deux heures plus tard : l'armée poursuivant l'ennemi
aurait épuisé ses munitions et se serait trouvée sans
moyen de les renouveler.
Le 23, on a fait passer une grande quantité de vivres
au camp d'ln-der-Lobau.
La bataille d'Essling, dont il sera fait une relation plus
détaillée, qui fera connaître les braves qui se sont
distingués, sera aux yeux de la postérité un nouveau
monument de la gloire, et de l'inébranlable fermeté de
l'armée française.
Les maréchaux ducs de Montebello et de Rivoli ont
montré dans cette journée toute la force de leur caractère
militaire.
L'Empereur a donné le commandement du 21 corps au
comte Oudinot, général éprouvé dans cent combats,
où il a montré autant d'intrépidité que de savoir.
Extrait du Moniteur du 31 mai 1809.
15247. - AU GÉNÉRAL COMTE DE
LAURISTON ,
COMMANDANT LES TROUPES
DÉTACHÉES DU IIe CORPS, A STUPPACH.
Ebersdorf, 24 mai 1809, quatre heures du
matin.
Monsieur le Général Lauriston, je
reçois votre lettre du 23. Le général de brigade Colbert
va venir vous joindre avec le reste de sa cavalerie. Votre corps d'observation
est utile pour avoir des nouvelles de la marche de l'armée d'Italie;
mais aujourd'hui que le pays est calmé, il me semble que des partis de
cavalerie sont suffisants. Le vice-roi me mande que, le 14 ou le 15 , une
partie de l'armée ennemie, battant en retraite et fuyant devant lui ,
devait se trouver près de Villach. Si de là elle avait suivi la
route de Bruck , vous devriez commencer à en avoir des nouvelles. Si au
contraire elle a suivi la route de Cilli et Marburg, afin d'avoir son flanc
droit appuyé à la Hongrie , il serait toujours important d'en
avoir des nouvelles. Je me serais défait dans la journée du 22 de
l'armée du prince Charles; mais, à six heures du matin , lorsque
l'affaire s'engageait, mes ponts ont été rompus, et j'ai
manqué d'artillerie et de munitions ; ce qui m'a arrêté
toute la journée en panne et m'a forcé de me contenter de garder
le champ de bataille.
NAPOLÉON.
D'après l'original comm. par M. le marquis de
Lauriston.
15248. - AU MARÉCHAL DAVOUT, DUC
D'AUERSTAEDT,
COMMANDANT LE 3e CORPS DE L'ARMÉE
D'ALLEMAGNE , AU CAMP D'EBERSDORF.
Ebersdorf, 24 mai 1809, onze heures du matin.
L'Empereur, Monsieur le Maréchal , trouve qu'il est
nécessaire de répartir les pièces de 12 que vous aviez
données an général Demont dans les divisions de votre
corps d'armée. Il y a de l'inconvénient à réunir
toutes ces pièces. en une seule division. On sera toujours à
même de les réunir sur un seul point dans un jour de bataille, si
on le trouve utile.
Je donne l'ordre au général Songis de vous
faire remettre de suite trente pièces de canon autrichiennes de 3 ou de
5 avec trente caissons. Je vous préviens que le général
Songis ne poura mettre à votre disposition ni canonniers ni attelages de
chevaux ; Il faut donc que vous vous procuriez par le moyen des corps des
canonniers et des attelages. Vous attacherez deux de ces pièces à
chaque régiment. Il ne faut pas , Monsieur le Due, envoyer des caissons
sur Passau ; s'il y en a de partis, faites courir après pour les faire
revenir. Si les approvisionnements vous manquent, changez des calibres
français contre des calibres autrichiens. Cette mesure, qui petit se
faire sur les lieux, est préférable à toute autre , car il
ne faut rien envoyer à Passau ; c'est trop loin.
Le prince de Neuchâtel, major
général . |